Au cours des dernières années, les questionnements sur l’éducation des enfants ont profondément évolué. Malgré cela, le sujet qui revient constamment dans ma pratique est celui qui vise une des plus veilles techniques : l’utilisation du retrait comme méthode de punition. La préoccupation est toujours sensiblement la même : « Est-ce encore convenable, acceptable et même bénéfique, de recourir à cette méthode? »
Pour faire la lumière sur cette question, rappelons brièvement que retirer l’enfant de l’activité en cours et l’obliger à s’isoler, a été à tort ou à raison, une méthode fortement utilisée et valorisée par les parents des générations précédentes. À ces époques, cette approche se voulait punitive et servait davantage à faire valoir l’autorité parentale quand ce n’était pas à l’imposer. « Aller à genoux dans le coin n’a jamais tué personne » affirment encore aujourd’hui certains grands-parents. Évidemment, plusieurs générations ont survécu à ces sanctions, malgré le caractère humiliant qui accompagnait volontairement ou involontairement cette approche.
Cependant, quel était le but de ces interventions ? Quelles en étaient les conséquences réelles sur l’enfant ? De nombreuses réponses diversifiées peuvent être données pour y répondre. À mon avis, cette méthode même appliquée avec la meilleure intention peut laisser des empreintes indésirables chez les enfants concernés. La peur, l’humiliation, le pouvoir, la honte, le malaise et le rabaissement font partie des impacts possibles malgré le fait que le parent obtenait en retour une obéissance. On passe la commande à ces enfants d’aller réfléchir… Toutefois, l’enfant peut-il réellement réfléchir si les états énumérés ci-haut l’habitent au moment du retrait en question ?
Normal que les enfants de cette époque devenus les parents d’aujourd’hui se sentent maintenant ambivalents face à l’utilisation d’un retrait punitif. Par impuissance et découragement d’un résultat souhaité face à des comportements de leurs enfants, les parents tentent d’appliquer le retrait punitif avec plus ou moins de certitude. Le retrait punitif est généralement utilisé pour des multiples raisons ayant plus ou moins de logique avec l’évènement survenu ou par simple automatisme. D’un côté, il y a les parents qui ont eu conscience des propos de professionnels se déclarant contre ces méthodes. Et de l’autre, il y a également ceux qui sont aux prises avec cette croyance leur suggérant que « plus que la punition fera mal, plus que l’enfant finira par comprendre ».
C’est en travaillant concrètement auprès des familles dans le but de développer des stratégies gagnantes que le retrait constructif est devenu un incontournable dans ma pratique chez plusieurs de mes familles-clients. Inspirée par différentes théories sur le sujet et des recommandations en découlant, j’en suis arrivée à élaborer et à appliquer mon propre concept du retrait constructif. Cette méthode est facile d’application et se présente avec toute la clarté nécessaire permettant d’obtenir les résultats des plus souhaités.
LES 10 ÉTAPES DU RETRAIT CONSTRUCTIF
Retenez que chacune de ces étapes doit être appliquée rigoureusement avec toutes les valeurs décrites, celles-ci étant le fondement d’une relation parent-enfant constructive et harmonieuse.
1) EXPLIQUER LE BUT : Il importe de clarifier le but du retrait constructif et de bien saisir les principes fondamentaux qui doivent le soutenir : patience, confiance, rigueur et accompagnement. Un retrait est un temps d’arrêt immédiat suite à un comportement inacceptable. Dans un moment d’irritation, l’enfant se trouve dans un état X à haute intensité, ce qui l’amène à poser des mauvais choix. L’objectif pour le parent est de se positionner rapidement afin d’arrêter la scène et d’indiquer à l’enfant qu’il est tout simplement inacceptable d’agir de la sorte.
Conseil: L’intention ne doit pas être punitive, mais une manière d’enseigner à l’enfant qu’il a omis de prendre soin de lui, en occurrence de son état émotif. Ce geste lui signifiant qu’on a la volonté de l’accompagner afin qu’il prenne un recul et un temps d’arrêt en toute tranquillité.
2) CHOISIR LE LIEU : Cet espace de retrait doit de préférence être chaleureux et invitant. Toujours garder en mémoire que le but de cet exercice étant avant tout d’aider l’enfant à s’apaiser et se ressourcer.
Conseil: Un tapis, des coussins, « bean-bag » ou toutes autres idées sont tout à fait appropriées.
Pour les plus petits, il est intéressant de limiter visuellement la zone, avec par exemple, un ruban collant à peinture afin de rendre concret les limites. Il sera plus clair pour l’enfant de respecter la zone et sera plus facile pour le parent d’être constant dans ses exigences.
Il faut se rappeler que bien souvent, le parent est aussi dans un état X au moment de l’application, ce qui parfois l’amène à des exigences envers l’enfant aussi fortes en intensité du style de ne plus bouger du tout et par ce fait, disproportionnées.
3) IDENTIFIER LES COMPORTEMENTS INACCEPTABLES : Établir en termes de comportements ce qui est réellement inacceptable pour vous et votre famille. Indiquer clairement le type de comportements où le retrait deviendra une nécessité. Par exemple ; frapper, taper, mordre, ruer de coups, langage qualifié de blessant (il faut nommer clairement ce langage propre à votre situation), etc. La signification d’un manque de respect varie d’un parent à l’autre et d’une famille à l’autre. Ce dernier étant un élément à plusieurs facettes, ce n’est donc pas tous les types de manque de respect qui justifient nécessairement un retrait constructif.
Conseil: Évitez d’utiliser cette technique à toutes les sauces et selon l’humeur du jour. Ce n’est pas parce qu’une méthode devient efficace que l’on doit y ajouter plein de choses. Dorénavant, ce n’est que pour ces comportements indiqués que le retrait constructif s’applique. Même si cela pourrait être alléchant d’utiliser ce type de retrait pour d’autres comportements désagréables.
Attention également aux exigences trop élevées ou inappropriées qui peuvent entraîner un climat familial encore plus tendu.
4) BRICOLER EN FAMILLE : Un dessin vaut mille mots. Bricoler est une activité apaisante et source de plaisir, c’est le bon moment d’expliquer clairement cette liste de comportements aux enfants et d’échanger sur le sujet. Leur réceptivité vous surprendra. Il suffit d’apposer des pictogrammes des comportements inacceptables de votre liste sur une affiche. Cette affiche deviendra un visuel clair et concret de votre entente familiale de même qu’une excellente référence pour vos nouvelles dispositions. L’enfant est donc avisé que c’est pour ces raisons uniquement, qu’il devra, se retirer de façon obligatoire dans le but d’aller s’apaiser et se ressourcer.
Conseil: Informer l’enfant du déroulement possible de la suite de ses actions est aussi lui apprendre à se responsabiliser vis-à-vis ses choix. De plus, il est plus facilitant pour les deux parents d’intervenir avec cohérence et constance face à ces comportements dits inacceptables avec une entente visuelle et claire sur le sujet.
5) OUTILLER L’ENFANT : Un enfant ne peut réfléchir si son état intérieur est agité et explosif. Sa mission n’est que de vous revendiquer encore plus fort son sentiment de colère. Il importe d’outiller l’enfant afin qu’il apprenne à gérer et abaisser son état désagréable DURANT sa période de retrait. Un objet tactile avec lequel il pourra « jouer » contribuera à sa détente. Les mains sont remplies de nombreux capteurs qui influent sur le système nerveux. Manipuler un objet agit directement sur notre état. L’enfant peut y déposer toute sa frustration en l’appuyant fortement.
Conseil: L’objet tactile aidera également l’enfant à demeurer dans l’espace retrait, surtout s’il est en bas âge. Soyez à l’écoute de son besoin. Si ces objets n’atteignent pas l’objectif désiré, laissez aller alors votre créativité en lui donnant accès à ce qui lui fait du bien, ex. livre, lego ou autres. Et si les objets offerts sont mal utilisés (ex : sont lancés), retirez-les un moment et remettez-lui quelques minutes plus tard.
6) TEMPS REQUIS : Le temps déterminé pour le retrait ne peut pas être une norme ferme pour tous les enfants. Il est préférable de l’établir selon l’âge, le tempérament et la capacité ou rapidité de celui-ci à se détendre. L’objectif est d’établir un temps minimum selon les critères mentionnés avec lequel vous allez démarrer le retrait constructif. Le temps minimum pourrait être le même pour les enfants d’une même famille comme qu’il pourrait être différent aussi. Un visuel auditif comme une minuterie style « time timer » est un excellent moyen de concrétiser le temps et de suivre l’exercice pour l’enfant et le parent.
Il est également conseillé d’établir à l’avance les raisons qui justifient l’ajout de minutes supplémentaires. Cette préparation évitera de vous mettre dans un état X rapidement si le retrait constructif ne se passe pas comme prévu. L’enfant peut vouloir vous “tester”, tester votre système ou simplement se tester lui-même.
Conseil: Si une prolongation s’avère nécessaire, expliquez clairement et brièvement les motifs. Sachez qu’un des gains que les enfants obtiennent avec leurs comportements désagréables est de s’assurer la pleine attention du parent, même si celle-ci est négative. Maintenez une position ferme. Retenez qu’il y a une limite à ajouter du temps. Mais si vous devez le faire, allez jusqu’au bout du temps ajouté même si cela peut prendre 20 minutes.
Si votre limite à ajouter du temps est atteinte, avisez l’enfant qu’à la prochaine minute ajoutée, telle conséquence naturelle et logique s’appliquera en surplus, par exemple, l’activité prévue n’aura pas lieu faute de temps. C’est à lui de décider. Vous ne faites qu’exécuter l’intervention selon “SES” choix.
7) ACCOMPAGNEMENT : Il arrive parfois que l’enfant ne parvienne pas à reprendre le dessus sur son état par lui-même ou avec les objets ressourçant. Soyez conscient qu’il n’agit pas de cette façon nécessairement pour vous faire réagir davantage, la raison est qu’il ne sait pas comment faire pour redescendre son thermomètre intérieur d’émotions.
Conseil: Certains enfants vont apprécier le contact physique avec leur parent pour s’apaiser. La respiration a un pouvoir illimité et communicatif. En le prenant dans vos bras, invitez-le à respirer lentement et profondément avec vous. Ce geste le sécurisera et l’incitera à se détendre. Dès que vous sentirez qu’il reprend le dessus, il pourra alors se remettre plus positivement à faire son retrait constructif, ce qui facilitera l’atteinte de l’objectif convenu.
8) SUITE AU TEMPS D’ARRÊT : L’enfant doit s’excuser de façon convenable avant de quitter l’espace de retrait. S’il refuse, n’ajouter pas de temps, il l’a déjà fait. Cependant, le choix de sortir de la zone lui appartiendra.
Les excuses faites, revenez ensuite sur la situation qui a entraîné ce retrait. Au cours de cet échange, ne parlez que brièvement de l’aspect négatif de l’évènement inacceptable. Misez plutôt sur ce que vous souhaitez que votre enfant fasse. Aidez-le à trouver des alternatives et encouragez ses nouvelles dispositions à se solidifier.
Conseil: Si le retrait s’est passé difficilement, démontrez-lui que vous avez confiance qu’il fera des meilleurs choix la prochaine fois et que par conséquent le retrait sera moins long. Projetez-lui ses réussites dans l’avenir et indiquez-lui ce que vous souhaitez qu’il fasse en situation de colère. Demeurez positif, concis et cohérent dans vos attentes. Plus ce que vous voulez est clair pour vous, plus il vous sera facile de l’enseigner à votre enfant.
9) IMPLIQUER L’ENFANT : Il importe d’établir votre liste de comportements inacceptables et certains critères de votre système. Cependant, il est essentiel d’impliquer l’enfant dans le processus pour le bricolage, les discussions et surtout, de l’informer du fonctionnent avant de démarrer le tout.
Conseil: Une astuce importante est de faire des mises en situation de votre système avec toute la famille. L’enfant qui vivra l’expérience ou verra concrètement le déroulement assimilera encore mieux l’information. De plus, puisque l’enfant n’est pas en crise à ce moment, sa capacité de compréhension est à son apogée.
10) CONCLUSION : Le retrait constructif devrait diminuer avec le temps. Il arrive parfois de voir une différence de comportement assez rapidement. Le simple fait d’impliquer l’enfant dans le processus, de préciser vos objectifs, de consolider votre confiance en vous-même et dans votre équipe parentale, de démontrer de la cohérence et de la constance dans l’application de votre méthode, d’être clair dans vos attentes et surtout, d’outiller l’enfant, sont des facteurs qui influencent directement les résultats anticipés.
L’utilisation ou la prolongation du retrait de manière trop répétitive signifie que quelque chose ne va pas dans l’intégration ou l’application de la méthode. Une révision de votre approche doit alors se faire. À vous de juger des ajustements qui devront être apportés et de les appliquer ensuite avec les mots d’ordre: patience, cohérence et confiance.
Il arrive régulièrement que l’enfant aille lui-même se ressourcer dans la zone avec ses outils avant de réagir promptement. Cela fait partie de la solution en soi d’agir en prévention et développer l’automatisme chez l’enfant. Un enfant qui apprend à reconnaître ses signaux d’alarme et qui a accès à des alternatives deviendra davantage autonome dans sa gestion d’émotion.
Pour plus d’informations ou pour des conseils personnalisés, n’hésitez pas à me contacter. Consultation en coaching familial et conférences sur le sujet sont disponibles.
Caroline Boutin, Coach familial, Auteure, Conférencière et Fondatrice de Parents Autrement – info@parentsautrement.com – www.parentsautrement.com
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