La qualité du regard que vous portez sur un enfant ne fait peut-être pas toute la différence. Mais il est définitivement le point de départ de votre relation avec lui ou elle.

Julie, une enseignante de 1ère année, a bien hâte d’accueillir ses nouveaux élèves la semaine prochaine. À quelques jours de la rentrée, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’elle est en mode préparation. À un moment, Nancy, une enseignante au préscolaire, vient voir Julie pour lui faire part de certaines informations concernant un élève qui était dans sa classe l’année précédente et qui sera dans celle de Julie pour l’année qui vient. C’est alors qu’elle lui apprend que Zachary a eu beaucoup de difficulté d’adaptation au cours de la dernière année. Les comportements d’opposition et d’agressivité n’ont cessé de se multiplier, et ce, malgré ses nombreux efforts. Nancy avance même l’idée que c’est probablement une question de temps avant que Zachary ait une cote de trouble de comportement.

1re réaction possible de Julie


En entendant ces informations, un léger sentiment de peur émerge chez Julie. Elle sait que ce type d’enfant la rend généralement peu confortable et augmente son niveau de stress. Dans les jours suivants, à chaque fois qu’elle pense à Zachary, « OPPOSITIONNEL » et « AGRESSIF » lui viennent rapidement à l’esprit. Elle appréhende son arrivée.

Une semaine plus tard, elle le rencontre enfin. Lorsqu’il se présente dans sa classe, elle comprend. Avant même qu’il ait la chance de dire son nom, elle sait que c’est lui. Elle détecte aussitôt son regard dur, teinté d’une petite touche de malice. « OPPOSITIONNEL» et « AGRESSIF » sont déjà bien installés dans le filtre de son regard. De son côté, Zachary avait aussi un peu peur de cette première journée. Il se rappelait très bien l’arrière-goût que lui avait laissé l’année dernière.

Et celle de Zachary…

Le matin du grand jour, en se réveillant, il avait fait une promesse à sa maman : Il allait faire des efforts pour bien s’entendre avec ses amis et son enseignante. Lorsqu’il croise le regard de Julie pour la première fois, il sent sa méfiance. Il ne comprend pas pourquoi puisqu’ils ne se connaissent pas encore. Dans les jours suivants, il sent qu’elle l’ignore. La seule façon qu’il trouve pour avoir son attention est lorsqu’il ne respecte pas les règles et dérange ses camarades. Les comportements agressifs émergent, les punitions aussi. La frustration habite de plus en plus Zachary et il le fait savoir à son enseignante. La conclusion de Julie après quelques semaines : Nancy avait raison, cet enfant est vraiment OPPOSITIONNEL et AGRESSIF.

2e réaction possible de Julie


En entendant ces informations, un léger sentiment de peur émerge chez Julie. Elle sait que ce type d’enfant la rend généralement peu confortable et augmente son niveau de stress. Le jour suivant, elle réalise qu’elle ne connaît aucune caractéristique positive de Zachary.

Elle a soudainement envie de connaître ses forces, ses intérêts, les contextes dans lesquels il est plus calme et heureux. Lorsqu’elle croise Nancy à nouveau, elle en profite pour la questionner à ce sujet. Nancy se surprend à ne pas être capable de trouver de réponses facilement. Après quelques minutes, elle se souvient que Zachary aime beaucoup rendre service et qu’il adore dessiner. Elle le soupçonne même d’avoir un bon potentiel d’artiste. Elle se souvient aussi que les après-midis se passaient généralement beaucoup mieux que les matins. Elle admet qu’elle aurait aimé prendre un peu plus de temps avec l’enfant pour le connaître et développer une complicité.

Suite à cette rencontre, Julie se sent soulagée et plus confiante. Les jours suivants, lorsqu’elle pense à Zachary, les mots OPPOSITIONNELS et AGRESSIFS montent à son esprit. Cependant, ils sont accompagnés par « SERVIABLE », « AIME LE DESSIN », « ARTISTE » et « SE COMPORTE MIEUX EN APRÈS-MIDI ». Ces pensées la rendent curieuse et inspirée. Elle décide de porter plus d’attention sur ce qu’elle appréciera chez Zachary. Elle a envie d’éveiller d’autres qualités et intérêts qui dorment peut-être en lui. Son envie de prendre soin de cet enfant, de faire son possible pour le sécuriser et de faciliter son intégration augmente jusqu’au moment de leur rencontre.

Et celle de Zachary – le début d’une relation

Le matin du grand jour, en se réveillant, il avait fait une promesse à sa maman : il allait faire des efforts pour bien s’entendre avec ses amis et son enseignante. Lorsqu’il croise le regard de Julie pour la première fois, il sent de la chaleur et du respect. Il ne sait pas pourquoi, mais il l’apprécie déjà même s’il ne la connaît pas. Dans les jours suivants, il sent sa disponibilité lorsqu’il a besoin d’elle. Rapidement, c’est lui qui a été choisi pour arroser quotidiennement toutes les plantes de la classe. Il a d’ailleurs été très fier d’annoncer cette nouvelle à sa maman le soir même de sa nomination.

Souvent, les matins, c’est plus difficile pour Zachary. Ça lui arrive de ne pas bien s’entendre avec ses camarades et d’oublier qu’il doit respecter certaines règles. À chaque fois, Julie est présente pour faciliter ses relations et pour lui rappeler les règles importantes. Il n’arrive pas à comprendre pourquoi, mais lorsque sa nouvelle enseignante le regarde, il se sent bien. Après quelques semaines, sa confiance en elle grandit.

OPPOSIONNEL et AGRESSIF prennent de moins en moins de place. SERVIABLE, ARTISTE, DRÔLE ET SOURIANT se pointent de plus en plus le bout du nez.

La conclusion de Julie


Il arrive à cet enfant de présenter des comportements d’opposition et d’agressivité. Cependant de bien belles forces font également partie de sa personnalité.

Elle réalise même que plus elle porte son regard sur ses forces, plus celles-ci émergent…

 

David Lalonde

Psychoéducateur, conférencier