La grammaire profonde du mouvement est un nouveau modèle de développement adapté du professeur David F. Stodden. Son intention est de valoriser l’importance de la compétence motrice chez les enfants dans une perspective de santé globale.

La compétence motrice se définit comme la capacité de coordonner, d’équilibrer et de contrôler ses mouvements pour atteindre un but (Stodden et al., 2009). À ce jour, la compétence motrice mesurée, c’est-à-dire évaluée pour un outil d’observation normé, est le facteur de prédiction le plus significatif d’un niveau élevé d’activité physique chez l’enfant. Il existe bien sûr d’autres facteurs prédicteurs qui influencent positivement un enfant à s’engager dans un mode de vie actif. Parmi eux, notons le niveau élevé de pratique d’activité physique, le sentiment de compétence motrice et enfin, la condition physique générale (ex : capacité cardiovasculaire, force et endurance musculaire, flexibilité, etc.).

La finalité du modèle s’appuie sur le fait de bien faire bouger les enfants afin qu’ils développement une efficience dans plusieurs habiletés motrices fondamentales. Par conséquent, cette efficience contribuera à ce que l’enfant soit plus actif et atteigne la norme recommandée de 60 minutes d’activité physique par jour d’intensité modérée à élevée. La meilleure stratégie pour permettre d’améliorer la compétence motrice est l’intervention efficace des principaux acteurs qui ont la responsabilité de faire bouger les enfants au quotidien soient les éducatrices en petite enfance, les enseignants et les entraîneurs sportifs.

Le modèle comporte cinq grands principes directeurs :

  1. Cibler les enfants âgés entre 3 et 9 ans.

Cette période est critique car le système nerveux est en processus de maturation et facilite la programmation neuro-motrice des habiletés motrices fondamentales, c’est-à-dire une automatisation/mémorisation du geste dans son exécution.

  1. Prioriser et varier les habiletés motrices fondamentales.

Il existe une quarantaine d’habiletés motrices fondamentales dans la littérature (ex : courir, sauter, lancer, attraper, botter, rouler, frapper, galoper, gambader, pas chassés, esquiver, etc.). Ce sont des actions naturelles et propres aux êtres humains qui découlent des mouvements réflexes et rudimentaires.

  1. Développer une perception positive de compétence.

La perception de compétence est la résultante directe d’un taux de réussite élevé dans plusieurs tâches motrices adaptées à l’âge de l’enfant. La perception doit être forte à 9 ans, particulièrement pour les filles, afin qu’elles s’engagent dans des activités récréatives ou sportives. La barrière à la compétence arrive généralement entre 7 et 9 ans et elle peut entraîner des risques importants sur la trajectoire santé menant à un mode de vie actif jusqu’à l’âge adulte.

  1. Varier les degrés de liberté dans la pratique motrice.

La variation des degrés de liberté permettra d’optimiser la programmation neuro-motrice des habiletés motrices fondamentales, c’est-à-dire que le cerveau mémorise plus facilement comment faire le mouvement. Dans un premier temps, il faut enseigner et faire expérimenter à l’enfant les principes clés pour bien réussir une habileté (ex : projeter les bras vers l’avant lors d’un saut en longueur). Puis, dans un deuxième temps, proposer une limitation des principes clés pour exécuter la même habileté afin qu’il puisse ressentir un effet de limitation sur son niveau d’exécution (ex : garder les bras derrière le dos lors d’un saut en longueur). Cet effet de proprioception négatif contribuera à l’apprentissage moteur des principes clés de l’habileté ciblée.

  1. Porter une attention particulière aux quatre facteurs clés du mouvement

Ces facteurs sont transposables à toutes formes d’actions et d’habiletés motrices fondamentales. Ils sont en quelque sorte la fondation de base pour guider les intervenants à planifier leurs activités motrices et les aider à faire bouger les enfants avec efficience.

Facteur 1 : Triple extension (chevilles–genoux–hanches)

Ce facteur contribue à l’exécution de plusieurs habiletés comme le saut, le lancer, le botter et certains déplacements. La principale difficulté des enfants se trouve souvent par un manque d’extension au niveau des chevilles.

Facteur 2 : Rotation du tronc (épaules/hanches)

Ce facteur est principalement relié à toutes les formes de lancer et de frapper comme par exemple avec un bâton de baseball, de hockey ou de golf. Plus la rotation est prononcée et rapide, plus la propulsion de l’objet sera forte.

Facteur 3 : Transfert de poids linéaire (épaules, hanches, bras, jambe, objet, outil)

Ce facteur influence directement toutes les formes de lancer et de frapper, mais il est également significatif dans certains déplacements de même que les roulades et le botter. Plus le transfert est exécuté dans le même axe de façon synchronisée, plus la propulsion sera forte et rapide.

Facteur 4 : Contrôle posturale

Le contrôle postural du corps est central et il a beaucoup d’influence dans l’exécution de plusieurs actions et habiletés motrices fondamentales. Il sous-tend les composantes du tonus musculaire et de l’équilibre. Par conséquent, il est recommandé de proposer des activités permettant le renforcement musculaire (ex : escalade, gymnastique, sauter à la corde) de même que des tâches d’équilibre statique (ex : postures de yoga) et dynamique (ex : marcher sur une poutre).

En conclusion, j’espère que le survol de ce nouveau modèle vous a permis de comprendre l’importance de développer la compétence motrice chez les enfants âgés de 3 à 9 ans. La pensée magique du jeu libre actif et du bouger pour bouger n’est pas rentable à moyen et à long terme pour garantir un niveau d’activité physique élevé. Il est de notre devoir d’approfondir la compétence motrice des enfants avec des interventions de qualité et de croire aux données probantes de la recherche. Même si le mode de vie des familles est de plus en plus sédentaire en raison de la surexposition aux écrans, nous avons l’obligation de garder le cap et d’apporter une véritable contribution à la trajectoire santé des enfants dont nous avons la responsabilité de BIEN FAIRE BOUGER. En espérant que vous soyez un acteur engagé !

 

Joël Beaulieu Ph. D. (c). – Consultant en motricité A+ Action – www.aplusaction.com